Gisante! Vivante!

L’univers sème des indices à notre intention, tout le temps.

J’ai été frappée comme par un éclair aujourd’hui en réalisant cela: l’univers sème des indices à notre intention, tout le temps! Oh, bien sûr, en théorie, j’y croyais déjà. Jung appelait ça synchonicité, et si tu es là mon lecteur, c’est que tu y es sensible, au moins un peu. Tu remarques les coïncidences qui n’en sont pas. Les curieux hasards, comme les nomme Stephen Schillilinger dans ses textes à l’âpre beauté. Mais entre saisir avec sa tête et comprendre, prendre avec soi, il y avait un écart qui s’est réduit d’un coup aujourd’hui. Je te raconte :

Les traumas de nos ancêtres s’héritent

J’étais en train de m’auto-traiter. C’est-à-dire d’appliquer sur moi l’une de ces merveilleuses techniques que j’utilise avec toi. Question de cohérence, j’ai toujours, toujours un chantier personnel en cours qui ressemble à ce que je te fais vivre. J’en étais à dégager des mémoires traumatiques transgénérationnelles. Tu sais, celles que la science nommée épigénétique reconnaît comme se transmettant sur plusieurs générations. Les traumas de nos ancêtres se refilent, comme les yeux marrons ou le nez camus de tante Zélie. Notre génétique est un ensemble fini, une somme de potentialité, de santé et de maladies. Mais la façon dont ça vit, ça s’active, c’est notre héritage transgénérationnel qui la conditionne. Si tu n’es pas familier du sujet, voici une explication simplifiée : prends de « vrais » jumeaux, au génome identique. Elevés dans des familles différentes, porteurs d’une même potentialité d’un certain type de cancer, l’un le déclenchera et pas l’autre. C’est la qualité de l’environnement dans lequel ils grandiront qui est la clé. Celui des deux qui serait maltraité, exposé à de l’insécurité matérielle ou affective, à des agents stresseurs, développera la maladie. Celui des deux à qui est donné un attachement sécure, un environnement confortable, n’activera pas le gène dormant. C’est ainsi. Les facteurs environnementaux activent ou désactivent les gènes. La trauma active les gènes. [1] Par la suite, les changements ainsi apportés à leur ADN sera transmis à leurs enfants. Le trauma s’hérite… Quand le trauma est un deuil, il se transmet aussi. Il est toutefois accompagné d’un certain nombre d’indices… J’avais déjà exploré cette théorie avec « le syndrome du gisant » [2], du Dr Salomon Salam. Ce médecin et psychosomaticien a décrit comment des éléments tels que le prénom, les dates de notre conception ou naissance, révèlent que des charges, issues de deuils mal digérés, ont été confiées par leurs parents, bien inconsciemment, à des enfants. C’est du lourd : ils supportent la tâche impossible de faire revivre un mort…

Les gisants

Ils portent parfois des prénoms comme Pauline, Paul-In pour incarner Tonton Paul. Ou encore Gisèle…qui git en elle. Nombreux sont ceux, carrément nommés, en premier ou deuxième prénom, du prénom du regretté tonton. Il existe d’autres indices à ce subtil « enfant de remplacement », comme une certaine rigidité corporelle, certaines maladies, des tendances « gothiques », un amour pour les cimetières, une passion pour le métier d’anesthésiste réanimateur…. En résumé, une difficulté à vivre sa propre vie, missionné que l’on est pour le compte du clan d’animer un cadavre…nous contenons, tel un caveau, un « gisant ». Ce livre, je l’avais superbement ignoré durant des mois, alors qu’il a traîné dans ma maison, apporté par ma moitié à qui on l’avait prêté. Mes yeux de dévoreuse de livres étaient inexplicablement passés mille fois sur la couverture, sans la voir. Et puis un jour, après qu’il fut retourné à celle qui l’avait prêté, je suis rentrée de la boulangerie triomphante : « regarde, j’ai trouvé un bouquin dans l’armoire à livres, je suis sûre qu’il va t’intéresser : ». « *Rire…*-Merci, mais je l’ai déjà lu, il est resté dans la maison durant des siècles ! ». OH ? Là, à moins d’être très bouché, le message de l’Univers est on ne peut plus clair…l’armoire à livres de la boulangerie, d’habitude, c’est collection Arlequin et la bible des témoins de Jehovah. J’ai donc entendu le message : je devais lire cette théorie sur les gisants.

Fantômette

Ça n’a pas fait mystère longtemps. On m’a donné en deuxième prénom celui d’un sœur morte, toute gamine, de ma maman, elle aussi une gamine à l’époque. On enterra l’enfant, puis on déménageât. On n’expliquât rien à l’enfant restée vivante, qui ressentit chagrin et incompréhension que l’on laissât sa sœur seule, sous terre pendant qu’on partait vivre ailleurs. Longtemps après, ma mère m’a donné le prénom désuet de sa sœur morte, à coté de mon premier prénom, non hérité, à moi toute seule, celui d’une héroïne dont elle admirait le caractère. Après avoir fait un petit rituel de séparation d’avec l’enfant morte dont je porte le nom, après que ma mère m’en ait expliqué, toute chagrine, les raisons – si c’était à refaire, je ne le referai pas !- j’ai cru en avoir terminé avec cette fantômette. D’une certaine façon c’était vrai, car j’ai ressenti une libération. Mais alors pourquoi, ensuite, cette consternation, quand j’apprenais qu’on avait nommé un enfant du nom d’un oncle défunt ? Pourquoi ce sentiment de catastrophe ? Franchement jugeante : « on ne fait pas ça à un enfant », je trouvais les parents irresponsables, inquiétants… Dans l’enfant m’apparaissait la victime d’une stratégie égocentrée, injuste. Ca me mettait vénère. Quand il y a jugement, assorti d’une certaine dose de passion, il y a trauma pas loin… Deux années ont passé.

L’indice laissé par ma mère

Un jour, que mon thérapeute mettait au jour à travers mon récit, des charges traumatiques héritées, est arrivé ce constat : « Parce que ma maman m’a transmis de manière inconsciente tout son chagrin au décès de sa sœur, je pense qu’il n’y a pas de frontière entre ma douleur et celle de ma mère, mais aussi ma douleur et celle des autres. » Et pendant que je libérais, tranquillou à la maison, les charges inconsciemment transmises, inconsciemment acceptées…. L’éclair de compréhension a frappé, là, me coupant le souffle un instant : On ne m’a pas transféré la charge de la mort de cette enfant en me donnant son nom : en me donnant son nom, on m’a laissé un indice qu’il existait une charge à transmuter. S’il n’y avait pas cet indice laissé par ma mère, je n’aurais pas pu me libérer de cette charge. Je ne suis pas une victime, je suis une libératrice. Ce n’est pas ma mère, qui m’a transmis la charge, c’est l’enfant intérieure en elle, terriblement marquée par la mort puis l’abandon de sa sœur morte. L’archétype Sauveur s’est activé. Et l’enfant que j’étais a créé un monde où il fallait supprimer la douleur, la sienne, celle de sa maman, celle de tout le monde. Personne n’est coupable. Personne ne s’est trompé. Wahou…merci la vie, pour ce moment ascensionnel! Les pensées viennent en vrac, les liens se font et je suis libérée. Je réalise que bien souvent, ces charges sont des chaînes : l’arrière-grand-mère a perdu un frère, la grand-mère a perdu un enfant, la mère a perdu une sœur, la fille… tiens ! Je n’ai pas fait d’enfants… Tout a du sens. L’information, les indices sont partout. Les personnes formées à les entendre, dans tes mots, tes gestes, sont là, au coin de ta rue ou au bout d’une webcam. Les livres qui parlent de toi pullulent, et tes yeux sont attirés par eux dans les librairies. Ils traînent sur la table basse chez tes amis. Ou dans l’armoire à livre de la boulangerie… Lever la charge traumatique a permis de lever tout jugement, tout drama, toute confrontation. Non, ce n’est pas grave de transmettre à une enfant la charge d’un deuil : elle aura le choix, au cours de sa vie, de s’en défaire, comme on se défait d’un vêtement qui est devenu trop lourd. Il lui faudra prêter attention aux signes, aux coïncidences, aux petits cailloux blancs semés sur son chemin par son inconscient. Et lorsque le trauma se lève, reste l’amour, l’immense amour, pour ma mère, qui a porté ce chagrin en elle silencieusement, si longtemps, pour l’enfant défunte, qui veille sur elle, je le sais, et pour mon enfant intérieure, qui a cru qu’il lui revenait de soulager la douleur du monde. [1] https://www.ccra-acrc.ca/wp-content/uploads/2021/09/Understanding-Cancer-Epigenetics-101-FR.pdf [2] https://www.babelio.com/livres/Sellam-Le-syndrome-du-gisant/1208032
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